Passé l’effroi suscité par le mouvement social s’opposant à la loi sur la réforme du droit du travail, passé le mépris affiché devant les joyeuses Nuit debout, la presse française (pas toute la presse, bien sûr, sa frange la plus servile) promeut désormais sa propre version du dépassement des clivages partisans parce que, ma bonne dame, vous voyez bien que léfrancé en ont marre des partis politiques traditionnels.
Certes. Le mouvement social (encore qu’il faudrait discuter cette catégorisation un peu trop englobante) rejette effectivement assez massivement les partis politiques, quels qu’ils soient. Certes. Mais enfin, j’ai tout de même la faiblesse de penser que ce mouvement social porte ce que l’on pourrait appeler des « valeurs de gauche » : justice sociale, redistribution des richesses, défense des droits des plus faibles (travailleurs, chômeurs, jeunes), etc.
Las, si les comparaisons aux Indignados n’ont pas manqué de fleurir chez les éditorialistes, ce n’est pas un Podemos que ces derniers cherchent à promouvoir. Quoi que l’on pense de Podemos, il s’agit d’un authentique mouvement de promotion du progrès social, au programme dit « de gauche radicale » (gentiment social-démocrate en réalité).
Ce dont rêvent les Renaud Dély et autres sommités des nuits debout dans les salons des beaux quartiers parisiens, c’est d’un Ciudadanos à la française. Ils cherchent leur Rivera, le très propre-sur-lui leader du mouvement « de centre-droit » (de droite en réalité). Et les candidats ne manquent pas. Si le sémillant Macron semble être le mieux placé aux yeux (énamourés) de la secte des éditorialistes omni-compétents intégristes, il convient de citer d’autres émanations plus ou moins folkloriques qui tentent de décrocher le pompon de l’extrême-centre déguisé en « société civile en-dehors des partis qui ont tous échoué depuis trente ans ».
Il y a tout d’abord Nicolas Hulot, sympathique figure de l’écologie culpabilisatrice (prenez des douches plutôt que des bains, bordel, c’est pas compliqué), très « ni de droite ni de gauche » compatible, et qui semble désormais chercher les faveurs du ministre de l’Economie.
Plus amusant, il y a l’attelage « Primaire des Français », lancé par une ancienne ministre de droite, un ancien du PS reconverti dans l’Internet pute-à-clic et un type un peu simplet, écrivain à succès, très médiatique, dont la puissante doctrine politique consiste à dire que les gens qui font des trucs c’est mieux que les gens qui font rien.
Pour encore plus de fun, on aimerait que Robert Hue débaroule dans le game, mais ce n’est hélas pas encore le cas.
Ces mouvements, qui ne font pas de politique puisqu’ils sont en-dehors des partis politiques (CQFD), ont à peu près, semble-t-il, le même programme politique que Ciudadanos, qui ne fait pas de politique puisqu’il est en-dehors des partis politiques (CQFD) : poursuivre les réformes nécessaires dont la France a besoin parce que sinon on va avoir trente ans de retard face à la mondialisation d’un monde global qui bouge vers les lendemains du futur. C’est le programme de la droite, quoi. La droite au sens large, de l’UMP au PS. Et l’on voit bien que cela n’a rien à voir avec les partis politiques traditionnels qui échouent depuis trente ans (CQFD).
On peut prédire à ces mouvements le même succès que celui obtenu par Rivera et ses amis en Espagne : une bulle médiatico-sondagière d’ampleur (l’annonçant à plus de 20% des intentions de vote avant les élections de novembre) pour un résultat électoral passable (un peu de moins de 14% en novembre) et ensuite se placer comme faiseur de roi, s’alliant au gré des vents, à droite, à gauche.
Tout cela est admirable.
Ping : Macron, l’aspiration par le vide – Le Journal de Mustapha Menier