Le rêve humide des éditorialistes : un Ciudadanos français

Passé l’effroi suscité par le mouvement social s’opposant à la loi sur la réforme du droit du travail, passé le mépris affiché devant les joyeuses Nuit debout, la presse française (pas toute la presse, bien sûr, sa frange la plus servile) promeut désormais sa propre version du dépassement des clivages partisans parce que, ma bonne dame, vous voyez bien que léfrancé en ont marre des partis politiques traditionnels.

Certes. Le mouvement social (encore qu’il faudrait discuter cette catégorisation un peu trop englobante) rejette effectivement assez massivement les partis politiques, quels qu’ils soient. Certes. Mais enfin, j’ai tout de même la faiblesse de penser que ce mouvement social porte ce que l’on pourrait appeler des « valeurs de gauche » : justice sociale, redistribution des richesses, défense des droits des plus faibles (travailleurs, chômeurs, jeunes), etc.

Las, si les comparaisons aux Indignados n’ont pas manqué de fleurir chez les éditorialistes, ce n’est pas un Podemos que ces derniers cherchent à promouvoir. Quoi que l’on pense de Podemos, il s’agit d’un authentique mouvement de promotion du progrès social, au programme dit « de gauche radicale » (gentiment social-démocrate en réalité).

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Ce dont rêvent les Renaud Dély et autres sommités des nuits debout dans les salons des beaux quartiers parisiens, c’est d’un Ciudadanos à la française. Ils cherchent leur Rivera, le très propre-sur-lui leader du mouvement « de centre-droit » (de droite en réalité). Et les candidats ne manquent pas. Si le sémillant Macron semble être le mieux placé aux yeux (énamourés) de la secte des éditorialistes omni-compétents intégristes, il convient de citer d’autres émanations plus ou moins folkloriques qui tentent de décrocher le pompon de l’extrême-centre déguisé en « société civile en-dehors des partis qui ont tous échoué depuis trente ans ».

Il y a tout d’abord Nicolas Hulot, sympathique figure de l’écologie culpabilisatrice (prenez des douches plutôt que des bains, bordel, c’est pas compliqué), très « ni de droite ni de gauche » compatible, et qui semble désormais chercher les faveurs du ministre de l’Economie.

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Plus amusant, il y a l’attelage « Primaire des Français », lancé par une ancienne ministre de droite, un ancien du PS reconverti dans l’Internet pute-à-clic et un type un peu simplet, écrivain à succès, très médiatique, dont la puissante doctrine politique consiste à dire que les gens qui font des trucs c’est mieux que les gens qui font rien.

aposter

Pour encore plus de fun, on aimerait que Robert Hue débaroule dans le game, mais ce n’est hélas pas encore le cas.

Ces mouvements, qui ne font pas de politique puisqu’ils sont en-dehors des partis politiques (CQFD), ont à peu près, semble-t-il, le même programme politique que Ciudadanos, qui ne fait pas de politique puisqu’il est en-dehors des partis politiques (CQFD) : poursuivre les réformes nécessaires dont la France a besoin parce que sinon on va avoir trente ans de retard face à la mondialisation d’un monde global qui bouge vers les lendemains du futur. C’est le programme de la droite, quoi. La droite au sens large, de l’UMP au PS. Et l’on voit bien que cela n’a rien à voir avec les partis politiques traditionnels qui échouent depuis trente ans (CQFD).

On peut prédire à ces mouvements le même succès que celui obtenu par Rivera et ses amis en Espagne : une bulle médiatico-sondagière d’ampleur (l’annonçant à plus de 20% des intentions de vote avant les élections de novembre) pour un résultat électoral passable (un peu de moins de 14% en novembre) et ensuite se placer comme faiseur de roi, s’alliant au gré des vents, à droite, à gauche.

arivera

Tout cela est admirable.

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Haine, avec le n, ça fait haine

Nous sommes en février 2016.
Je n’ai plus vraiment de colère, d’indignation ; même plus vraiment de rage.
J’ai de la haine.
Elle est là. En moi. Indiscutable, sereine.
Ils nous font tout avaler, depuis quatre ans. L’entonnoir bien enfoncé dans le gosier.
Avale la casse des droits sociaux, avale les cadeaux aux nantis, avale le néo-fascisme anti-migrants, bazanés, bougnoules. Avale.
Je suis plein comme un oeuf.
Prêt à éclater.
Haine, avec le n, ça fait haine, oserais-je paraphraser un chanteur à texte.
(D’ailleurs haine, sans le n, ça fait haie, et c’est sans rapport.)

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Le choix du référendum

Alexis Tsipras a été élu avec un double mandat : mettre fin aux politiques d’austérité, tout en restant dans la zone euro. Autrement dit, le Premier ministre grec n’a de mandat ni pour mettre en place de nouvelles mesures d’austérité, ni pour décider d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Or, arrivé à un point des négociations où les créanciers exigent encore et toujours de sévères coupes dans les retraites, des hausses de TVA, et refusent d’envisager la question clé de la dette, arrivé à un moment où, sans accord, sans nouvelle tranche d’aide accordée par les créanciers, la Grèce est contrainte de notifier son défaut auprès du FMI, trois options s’offraient à M. Tsipras.

1ère option : accepter les conditions des créanciers

M. Tsipras aurait pu faire le choix de soumettre le texte des créanciers au Parlement grec. Cela aurait constitué une capitulation et une violation du premier terme du mandat reçu des électeurs par Syriza : briser la logique d’une austérité sans fin. Cela aurait conduit à l’explosion du parti de gauche et probablement à la démission du Premier ministre alors empêtré dans une position politique intenable.

2ème option : démissionner

Compte tenu de l’avance de Syriza dans les sondages, cette option était sans doute la moins risquée politiquement pour Alexis Tsipras. Compte tenu du mode de scrutin, et de la prime majoritaire, la majorité absolue semblait atteignable pour Syriza.
Cependant, première objection : si Syriza bénéficie d’un soutien dans les sondages (toutes considérations sur la validité des sondages mises à part), qu’en serait-il d’un Syriza se présentant avec un programme de rupture des négociations avec les créanciers ? Quel pourrait être ce programme, d’ailleurs ? Qu’en serait-il de l’attachement à l’euro jusque-là affiché par le parti ?
Seconde objection : il aura fallu presque un mois, du 29 décembre 2014 (dissolution du Parlement) au 25 janvier 2015, pour organiser le scrutin qui allait porter Syriza au pouvoir. Même si l’on peut imaginer une procédure accélérée, de nouvelles élections auraient conduit à une dangereuse période de vacance du pouvoir, dans un pays en défaut de paiement, alors que la BCE asphyxie les banques. Difficile de dire ce qu’une situation aussi chaotique aurait pu produire.

3ème option : le référendum

C’est une option plus risquée politiquement pour M. Tsipras. Ici, il s’agit d’obtenir une majorité absolue. En cas de défaite, il sera difficile de ne pas démissionner. En cas de victoire, la ligne de rejet des propositions des créanciers supposera de trouver une voie alternative, laquelle ? Un changement soudain d’attitude de la troïka est à exclure. Alors, défaut, Grexit ?
Cette option a tout de même des avantages : elle évite une période de vacance du pouvoir et peut rapidement être mise en oeuvre. C’est probablement la moins pire des options à la disposition du gouvernement grec.

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Du pourrissement

Alors que les négociations entre la Grèce et ses créditeurs, la troïka FMI-BCE-UE, semblent arrivées à leur terme, alors que l’on se dirige vers un défaut partiel fin juin et une sortie de l’euro en catastrophe, que peut-on dire du rôle de la France après quatre mois de palabres ?

Pas grand-chose et beaucoup à la fois.

Vu de l’extérieur, Michel Sapin paraît presque plus inutile que ne le fut son prédécesseur, ce qui n’est pas peu dire. Quant à savoir quelles furent ses prises de position, si tant est qu’il y en eut, lors des différentes réunions de l’Eurogroupe, le secret des discussions entre ministres des Finances de la zone euro nous empêche d’en apprécier la teneur. Tout porte à croire que notre bon ministre s’est borné à faire acte de présence, mais je n’irai pas plus loin dans le procès d’intention.

Passons sur le fait qu’il existe bel et bien – si si, vous pouvez vérifier – un secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, dont l’éloquent silence aura grandement contribué à réaffirmer, avec force, la discrète modestie de son action.

Passons sur le fait qu’il existe également – cela n’aura échappé à personne – un Premier ministre, aux discours enflammés à s’en péter les boyaux, aux hurlements stridents, visage cramoisi par l’intensité de l’effort patrouillotique, dans l’esprit du 11 janvier. Lui semble, littéralement, si vous me passez l’expression, s’en battre les couilles de la Grèce.

Reste donc notre président de la République. Qu’a-t-il fait, lui, de ces quatre mois ?

Eh bien, rien.

Que dalle.

Il s’est contenté de laisser le bébé à Mme Merkel. Celle-ci n’aura pas réussi à se dépatouiller, malgré une volonté, que je pense réelle, d’aboutir à un compromis avec la Grèce, des contradictions de sa coalition gouvernementale et au sein de son propre parti, entre les durs de durs, les durs, les durs un peu mous, les mous rigides, et j’en passe.

Mais alors pourquoi cette constante indolence présidentielle ?

Il y a fort à parier qu’une intervention française (voire franco-italienne) aurait permis d’arriver à un accord acceptable par tous (ou presque).

Il faut, je crois, se rendre à la triste, à la pathétique, à l’affligeante évidence que cette stratégie d’absence volontaire, de silence boudeur, d’indifférence presque assumée, est en réalité la seule stratégie de la France dans cette histoire : celle du pourrissement.

Pour des raisons de politique intérieure (ne surtout pas laisser penser qu’une autre voie que celle d’un néo-libéralisme débridé est possible), il faut tuer Syriza. Tant pis si dans le même temps on tue le peuple grec, la monnaie unique, la communauté européenne, tant pis pour les remboursements de dette grecs qui ne tomberont plus, tant pis pour la dignité, tant pis pour le peu de crédit qu’il reste à notre fier pays.

Tout cela est misérable et honteux.

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Discours d’Alexis Tsipras devant le Parlement grec (5 juin 2015)

Le 5 juin 2015, le Premier ministre grec, M. Alexis Tsipras, s’exprimait devant le Parlement. Alors que la veille il avait repoussé les propositions émises par le président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, au nom des trois institutions (UE, BCE, FMI), M. Tsipras livrait au Parlement grec un aperçu de l’état des négociations et des objectifs de son gouvernement. Le jour même, l’on apprenait que la Grèce n’avait pas honoré le paiement de 300 millions d’euros au FMI comme cela était prévu. Usant d’une astuce juridique, la Grèce avait obtenu le report à la fin du mois de ce paiement. Une manière de laisser planer la menace qu’au 30 juin, faute d’un accord permettant le versement de tout ou partie des 7,2 milliards d’euros dûs par la troïka à la Grèce, et pour l’instant suspendus à l’obtention d’un accord entre le pays et ses créanciers, le gouvernement grec pourrait choisir de payer pensions de retraites et salaires des fonctionnaires plutôt que d’honorer le remboursement des sommes dûes au FMI.

J’ai traduit le discours de M. Tsipras dans son intégralité, à partir du document publié en anglais par ses services : http://www.primeminister.gov.gr/english/2015/06/06/prime-minister-alexis-tsipras-speech-addressing-parliament-on-the-issues-relating-to-the-current-negotiation/

(Les passages en gras sont les mêmes que dans le texte en anglais.)

« Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs, Membres du Parlement,

Je vous ai réunis aujourd’hui parce que nous sommes dans la phase finale des négociations et, simultanément, à leur point le plus critique.

Par conséquent, il est nécessaire d’informer officiellement le Parlement, d’informer le peuple grec, de l’état des négociations et de ce que nous voudrions qu’il advienne de ces négociations.

Agir ainsi, c’est respecter ma responsabilité démocratique, non seulement vis-à-vis des partis politiques et du Parlement, mais aussi devant le peuple grec.

Voilà pourquoi, depuis le début des négociations, je dis que nous n’avons rien à cacher et que nous ne cacherons rien au peuple grec.

C’est en son nom que nous négocions ; en son nom et avec le sens de nos responsabilités que nous nous battons pour arriver au meilleur accord possible.

Il n’y a rien, par conséquent, que nous souhaitions tenir caché.

Mesdames et Messieurs, Membres du Parlement,

Depuis le début, le gouvernement grec a fait savoir qu’il cherchait une solution européenne au problème grec.

Un accord mutuellement bénéfique qui libérerait la société grecque et l’économie de la spirale récessionniste des sept dernières années en mettant fin, enfin, à l’austérité, par la restauration de la justice sociale ainsi qu’en apportant une réponse adaptée au problème de la dette.

Ce type de solution est précisément ce dont nous avons besoin – pas seulement pour la Grèce, mais pour l’ensemble de l’Europe, pour mettre fin, une fois pour toutes, au dangereux cercle vicieux de crises qui a débuté en 2008.

Ce type de solution doit nous conduire à une nouvelle ère de l’intégration européenne, envoyant le message clair que l’UE et la monnaie commune font partie, de manière permanente, de notre histoire. Que la stratégie des Etats européens qui y souscrivent est une, uniforme et indivisible.

Voilà les principaux objectifs qui ont constitué notre position durant les négociations, dans leurs aspects politiques et techniques.

Durant les Sommets, durant les rencontres de l’Eurogroupe, dans les discussions avec les leaders politiques et avec les dirigeants des institutions, ainsi qu’au niveau technique, avec ce que l’on appelle le Groupe de Bruxelles.

Nous avons prouvé activement notre attachement au projet européen au travers des propositions raisonnables que nous avons soumises la semaine dernière aux institutions et aux dirigeants politiques de l’Europe.

Nos propositions ont démontré notre sincère volonté de parvenir à un accord, dans la mesure où elles ne reflétaient pas les positions initiales du gouvernement grec, mais le résultat des négociations avec le Groupe de Bruxelles. Pour résumer : les points d’accord obtenus après trois mois d’âpres négociations. En ce sens, nous avons clairement démontré notre respect du processus de négociation et de nos partenaires.

Jusqu’ici, nos propositions ont été la seule base réaliste de négociation visant à l‘obtention d’un accord respectant à la fois le mandat populaire du 25 janvier et les règles communes gouvernant l’union monétaire.

Un des points clé de nos propositions est la réduction du surplus primaire. C’est un point qu’aujourd’hui les institutions acceptent.

Parce qu’un haut niveau de surplus primaire, comme prévu par les précédents programmes, ne peut que conduire à plus d’austérité.

Mais nos propositions constituent une base de discussion – avec certaines limites.

Je veux dire que certaines des mesures les plus dures de nos propositions, qui nous engagerons, ne seront mises en œuvre que si une condition est remplie : qu’il y ait un accord global – une solution pour la Grèce. Que le théâtre d’ombres de ces cinq dernières années prenne fin, lui qui n’a fait qu’empirer la dette et éloigner la perspective d’une sortie de crise.

Mesdames et Messieurs, Membres du Parlement,

Ne soyez pas dupes :

L’élément crucial des négociations ne tient pas simplement aux réformes exigées par nos partenaires pour la conclusion du programme. Le point critique est de casser le cercle vicieux de cette crise. Et cela ne peut être fait qu’en changeant la ‘recette’ – en mettant fin à une austérité brutale qui produit de la récession, cela combiné avec une solution qui rend la dette soutenable. Parce qu’en vérité, c’est seulement ainsi que l’économie grecque deviendra à nouveau digne de confiance pour les investisseurs et les marchés.

Afin de permettre aux efforts du gouvernement grec de rencontrer le succès, il faut trouver une solution efficiente au problème de la dette.

Une solution réelle – pas simplement une référence à une promesse contenue dans une décision de l’Eurogroupe, qui ne prend jamais effet, comme cela s’est produit en 2012.

Parce que si cela n’arrivait pas, aussi dur que nous essayions, nous ne parviendrons pas à échapper au cercle vicieux de l’incertitude, qui est le principal obstacle à la croissance de l’économie grecque.

Je suis confiant parce que personne en Europe ne veut prolonger cette incertitude, personne ne veut continuer à marcher sur la corde raide d’un constant danger imminent.

Si c’est le cas, alors le but premier de notre nation ne doit pas être d’obtenir un accord politiquement acceptable, mais d’obtenir un accord économiquement viable.

Voici pourquoi, à de nombreuses reprises, j’ai insisté sur le fait que nous n’avons pas uniquement besoin d’un accord. Nous avons besoin d’une solution. Après cinq ans, nous avons besoin d’une solution définitive, pour la Grèce et pour l’Europe. Une solution qui mettra fin à la politique des surplus primaires irréalistes, à l’austérité, et qui assurera la soutenabilité de la dette grecque.

C’est le défi des négociations actuelles, alors que l’austérité imposée pour assurer le remboursement d’une dette insoutenable a formé le cœur de la politique du Mémorandum qui a échoué ces cinq dernières années.

Dire que cette politique a échoué n’est pas une façon de parler, c’est un fait aujourd’hui reconnu mondialement par une large majorité des dirigeants politiques et des opinions publiques. Pas seulement par le peuple grec, dont le rejet de ces politiques peut se lire dans le résultat des dernières élections. Cela peut aussi être vu au travers des études sur la dette et les inégalités sociales, ainsi qu’au travers des indices de compétitivité, qui, malgré les prévisions optimistes, n’ont jamais correspondu à la réalité au long de ces cinq ans de programmes de dévaluation interne brutale.

Mesdames et Messieurs, Membres du Parlement,

Je dois avouer, à vous et au peuple grec, que les propositions que le président de la Commission européenne, M. Juncker, m’a soumises, au nom des trois institutions, ont été une mauvaise surprise.

Je n’aurais jamais imaginé que les institutions pourraient soumettre des propositions qui ne tiennent pas compte des compromis obtenus au terme de trois mois de négociations avec le Groupe de Bruxelles.

Je ne pouvais pas imaginer que les honnêtes efforts du gouvernement grec pour obtenir une solution juste et équitable pourraient être considérés par certains comme un signe de faiblesse.

Plus encore, je ne pouvais pas imaginer que les politiciens – les technocrates ? – pourraient croire qu’après cinq ans d’austérité dévastatrice sous le Mémorandum, il se trouverait un seul député grec pour voter l’abrogation de l’EKAS (Système de pension pour retraités) pour les retraités à bas revenus et pour augmenter la TVA de 10% sur l’électricité.

Si je me trompe sur ce point, dites-le moi.

Malheureusement, les propositions soumises par les institutions n’ont rien de réaliste, et sont un pas en arrière par rapport au terrain d’entente que nous avions pu difficilement dégager durant les négociations.

Le Gouvernement grec ne peut pas, quelles que soient les circonstances, donner son accord à des suggestions irrationnelles permettant que tout ce qui serait gagné en réduisant les surplus primaires soit compensé par des mesures insoutenables pour les retraités pauvres et les familles grecques moyennes.

Je veux croire que ces propositions ont été un mauvais moment pour l’Europe et une mauvaise tactique de négociation, et que ceux qui les ont proposées les retireront rapidement.

Néanmoins, je considère que mon devoir est, avant de produire mes réponses finales aux institutions, d’écouter avec attention le point de vue des partis politiques grecs à ce moment crucial des négociations.

La responsabilité principale appartient bien sûr au gouvernement, mais aujourd’hui, j’aimerais entendre l’opinion de l’opposition – si avec sens patriotique et honnêteté, elle appelle à ce que nous acceptions les propositions faites par les trois institutions ou si elle y est également opposée.

Parce que depuis le début des négociations, vous nous avez durement critiqués –et bien entendu vos critiques sont les bienvenues, c’est l’essence de la démocratie – en ce qui concerne les raisons pour lesquelles nous ne signons pas d’accord.

Maintenant que vous savez précisément ce que l’on nous demande de signer, je vous demande de dire clairement si vous acceptez ou rejetez l’accord qui nous est proposé.

Nous avons à faire aux propositions irrationnelles du récent document, qui représente un moment d’égarement de l’Europe face aux justes propositions du gouvernement grec, qui a démontré son attachement aux valeurs européennes.

Je veux, à cet instant, vous rappeler à tous que, depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons honoré toutes nos échéances financières, soit environ 7,5 milliards d’euros, malgré la stratégie d’asphyxie financière choisie comme tactique de négociation par les institutions.

Je veux vous rappeler, une fois de plus, que depuis juin 2014 le Programme n’a effectué aucun versement ; de plus, depuis le 18 février, la BCE a mis en place une restriction concernant l’émission de bons du Trésor – une contrainte qui n’a pas de base légale dans la mesure où la validité de l’accord de prêt a été étendu et du fait que le pays est dans un processus de négociation dans le cadre du Programme.

Il ne s’agit plus principalement d’un problème légal, ni d’un problème politique. L’asphyxie financière du pays est désormais également un problème moral – et cela contrevient aux principes basiques, fondateurs de l’Europe. Ce problème fait surgir de légitimes questions sur l’avenir de l’Europe elle-même.

Et je suis sûr qu’il y a peu de personnes en Europe qui se sentent fières de cette tactique. Par conséquent, il est temps pour tous de prouver, en Grèce – et principalement en Europe – qu’ils travaillent dans le but de trouver une solution et non dans celui de soumettre et humilier tout un pays. S’ils travaillent à soumettre et humilier, ils devraient réaliser qu’ils produiront l’exact résultat inverse.

Et ce n’est pas une menace, mais une simple observation. Pas besoin d’étudier les sondages d’opinion pour le comprendre.

Il suffit de parler aux gens, dans chaque ville, chaque village, sur chaque lieu de travail, dans chaque communauté, parmi les vieux et les jeunes Grecs, qui débattent avec anxiété des développements des négociations et demandent une chose de nous :

Que nous ne reculions pas sur nos justes demandes. Que nous ne cédions pas face à des demandes irraisonnables ou à une extorsion de la part des créditeurs.

Mesdames et Messieurs, Membres du Parlement,

Vous allez me demander, peut-être à juste titre : en prenant en considération tout ce qui vient d’être dit, sommes-nous finalement proches d’un accord viable ? Je vous répondrai honnêtement : malgré le sérieux pas en arrière d’il y a deux jours, ma conviction est que nous sommes aujourd’hui plus proches d’un accord que jamais, et je vous expliquerai pourquoi.

Premièrement, parce qu’il est désormais évident dans l’opinion publique européenne – et internationale – que le camp grec a proposé un cadre réaliste pour une solution qui ne traite pas les attentes de nos partenaires, les règles gouvernant l’union monétaire, ou les opinions publiques d’autres Etats membres, avec intransigeance et mépris.

Deuxièmement – et peut-être de façon plus importante – parce que, malgré les attentes du contraire et les conditions adverses des derniers mois, nous avons réussi à tenir bon.

Nous avons persévéré et sommes parvenus à négocier immuablement et sainement au nom du peuple grec. Et maintenant, suite à la décision d’hier du FMI de grouper les paiements à la fin du mois, il est désormais clair pour tous, compris et anticipé par tous – y compris les marchés – que personne ne souhaite une rupture. Et le temps qui passe ne joue pas seulement contre nous. Le temps qui passe joue contre tout le monde.

Par conséquent, certains individus ne devraient pas se précipiter à prévoir prématurément de futurs développements, à tirer des conclusions.

L’approche réaliste du camp grec est la seule approche sérieuse de négociation pour atteindre un accord soutenable.

De plus, alors qu’il devient extrêmement clair que le problème grec ne se limite pas à la Grèce, mais est bien un sujet qui engage l’entière zone Euro et son avenir, ainsi que l’économie globale, les chances que nos partenaires accèdent au réalisme et aux positions réalistes soumises par le camp grec vont croître.

Mesdames et Messieurs, Membres du Parlement, pour conclure, je voudrais résumer les objectifs stratégiques du gouvernement grec dans les négociations en cours :

Un surplus primaire bas, ce qui a déjà été accepté et a déjà réduit le coût, la note pour le peuple grec de 8 milliards d’euros pour la prochaine année et demi, et de 14 milliards d’euros sur cinq ans.
Décote – restructuration de la dette.
Protection des pensions de retraite et des revenus réels.
Redistribution de la richesse envers la majorité sociale. Parce que, bien sûr, nous aurons besoin d’une augmentation des revenus. Le problème crucial sera de savoir sur quelles épaules le fardeau continuera à peser – celles des populations à bas et moyens revenus ou celles des populations à hauts revenus ? Ceux qui durant ces cinq dernières années n’ont pas contribué à hauteur de leur juste part, ceux qui n’ont pas contribué à payer la note de la crise doivent en être redevables.
La restauration de la négociation collective et le renversement des relations de travail dérégulées, qui selon nous, fut une clé idéologique de la politique du Mémorandum. Je peux vous informer que, sur la base de nos consultations auprès de l’OIT [Organisation internationale du travail], qui sont à un stade avancé, nous présenterons une proposition finale dans les prochains jours. Elle sera introduite et promulguée par le Parlement grec, qui est souverain et délibérera sur la restauration des accords collectifs dans notre pays.
Un solide programme d’investissement qui créera un choc positif sur l’économie grecque en mobilisant son potentiel stagnant.

Ces six points principaux sont ceux qui gouvernent – et résument – la nature de l’accord que nous désirons, un accord qui soit économiquement viable et socialement juste. Nos efforts, naturellement, seront jugés sur les résultats. Et les résultats seront naturellement plus positifs, si la volonté du peuple grec de soutenir la ligne de négociation nationale, l’effort considérable du gouvernement grec pour une solution juste et viable, est forte.

Mais il est certain que dans les prochains jours, alors que nous entrons dans la phase finale, il y aura beaucoup de discours défaitistes.

Nous devons faire preuve de calme, de prudence, de sagesse, nous avons besoin de soutien social et politique pour atteindre l’objectif national pour le meilleur résultat possible.

Maintenant, il est temps pour chacun de faire preuve de responsabilité. En premier lieu le gouvernement, bien sûr, mais aussi les autres partis.

Y compris l’opposition.

Je vous invite à soutenir totalement l’effort national en laissant de côté, durant ces moments critiques, les intérêts particuliers et la rhétorique alarmiste.

Pour conclure, je veux assurer à nouveau le peuple grec qu’il doit être fier de cet effort et qu’il doit être calme. Fier, parce que le gouvernement grec ne cèdera pas à des demandes irréalistes. Et calme, parce que notre patience et notre persévérance pendant les négociations, notre endurance, porteront bientôt leurs fruits. Nous défendrons, du mieux que nous pouvons, le droit pour l’ensemble de notre peuple de vivre avec dignité, et par-dessus tout, de vivre dans des conditions qui permettront un avenir de prospérité, progrès, espoir et optimisme.

Et je suis confiant dans le fait que nous allons réussir.

Merci. »

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Ecoutons Yanis Varoufakis

Le 25 janvier dernier, les électeurs grecs portaient au pouvoir le parti Syriza, dirigé par Alexis Tsipras. Après cinq longues années de destruction systématique de la société grecque à des fins de punition pour des crimes économiques dont ladite société n’était finalement qu’en partie responsable, les deux grandes formations politiques co-gestionnaires de la purge (Nouvelle Démocratie et PASOK) furent balayées par un parti de gauche, au programme gentiment social-démocrate, ce que l’on appelle désormais communément « la gauche radicale ». C’est donc le couteau entre les dents que M. Tsipras amorça un nouveau processus de négociations avec les partenaires de la Grèce, Union Européenne, Banque Centrale Européenne et Fonds Monétaire International, afin d’obtenir un accord garantissant à son pays l’accès aux financements de ces derniers sans pour autant aggraver encore – si c’est Dieu possible – la crise humanitaire que vit sa population.

La nomination de Yanis Varoufakis à la tête du ministère des Finances grec laissait augurer la possibilité d’un accord entre la Grèce et ses créanciers. Non encarté à Syriza, considéré comme modéré au sein du gouvernement grec, M. Varoufakis paraissait la figure idoine à même de conclure un accord permettant que personne ne perde la face. L’histoire n’est pas encore écrite, difficile aujourd’hui de dire s’il y parviendra.

La presse s’est, très largement, fait le porte-parole du story-telling des institutions anciennement nommées « troïka » (UE,BCE,FMI), qui, pour masquer des divergences de fond difficilement avouables – comment dire tout de go qu’un salaire minimum à 750€, c’est encore trop sans passer pour de fieffés sagouins ? – n’auront eu de cesse de vilipender les mauvaises manières du ministre grec. De ce point de vue, la blogueusemodisation d’une part importante de la presse spécialisée européenne, commentant, avec tout le sérieux qui convient, la couleur des chemises de M. Varoufakis, n’aura sans doute, bizarrement, que peu aidé à comprendre les enjeux des négociations entre la Grèce et ses créditeurs.

Yanis Varoufakis est un intellectuel. Il a produit une analyse des causes de la crise de la zone euro. Il a réfléchi aux mécanismes qui pourraient permettre d’en sortir. Il a également, en collaboration avec les autres membres du gouvernement grec, en premier lieu M. Tsipras, avancé un certain nombre de propositions visant à remettre l’économie grecque sur pied. C’est sur ces propositions que les discussions dans le cadre de l’Eurogroupe ont échoué. Non pas parce que M. Varoufakis s’y serait mal comporté, mais parce que les deux parties font mine de négocier sur des points qu’ils considèrent en réalité comme non négociables. Pour l’Eurogroupe, la Grèce doit amplifier la dérégulation de son marché du travail – ou de ce qu’il en reste – et baisser les pensions de ses retraités, entre autres joyeusetés. Pour le gouvernement grec, c’est hors de question.

Il y a quelques semaines, Yanis Varoufakis s’est assez longuement entretenu avec l’économiste Joseph Stiglitz lors d’une conférence donnée au siège de l’OCDE. Les échanges furent riches et extrêmement intéressants, me semble-t-il. J’ai transcrit (et traduit) quelques passages de cette discussion. Parce qu’il est peut-être temps d’écouter ce que M. Varoufakis a à dire.

La crise de la zone euro

« La crise qui a débuté en Grèce en 2010 menace la zone euro de désintégration. Dans le même pays pourrait se situer le début du processus de consolidation ». Il s’agit de « mettre un terme à ce processus qui tourne les pays européens les uns contre les autres. »

« Si nous avions une république fédérale, si nous avions les Etats-Unis d’Europe, nous ne serions pas là en train de discuter de la crise grecque, de la crise de la zone euro, de l’union bancaire… »

« Malheureusement, la façon dont nous avons construit la zone euro appelait nécessairement à une crise telle qu’elle se produit. Quelques-uns des pères fondateurs de la zone euro –je me réfère ici à François Mitterrand et Helmut Kohl, deux piliers de la volonté de rapprocher les Européens entre eux – partageaient l’idée qu’ils n’avaient pas le pouvoir politique de fonder les Etats-Unis d’Europe, mais qu’ils avaient le pouvoir de créer une union monétaire. »

« L’idée était : vous rassemblez des nations à l’intérieur de l’Union européenne, qui ont déjà un marché commun, pour construire une monnaie commune, et vous espérez que, quand l’inévitable crise se produira, vous aurez des successeurs qui trouveront les moyens de parfaire l’union politiquement et de la consolider. »

Il est aujourd’hui plus difficile de se revendiquer de plus d’Europe, plus de fédéralisme qu’avant la crise. « La crise ne nous a pas rassemblés. »

« Est-ce que nous pouvons obtenir des changements dans le cadre des traités actuels ? Est-ce que nous pouvons redéployer les institutions existantes ? »

La crise s’est manifestée sur quatre plans : dette publique, crise bancaire, crise de sous-investissement, éruption de pauvreté à la périphérie de l’UE.

« Est-ce que l’on peut simuler ce qu’une réelle fédération aurait fait pour combattre ces crises ? Je pense que oui. »

« Nos Etats-membres ne sont pas capables de financer les investissements indispensables au redémarrage de l’économie à cause des règles fiscales, à cause du pacte de stabilité et de croissance, etc. »

L’arrivée au pouvoir de Syriza : que faire ?

« Nous avons été élus le 25 janvier. Le jour suivant, nous avons fait face à ce que j’appellerais un calendrier serré jusqu’à l’asphyxie. Laissez-moi vous rappeler que le gouvernement précédent avait négocié une extension de deux mois du programme existant […] prenant fin à la fin de février. Nous avions donc jusqu’à fin février pour renégocier ce qui est essentiellement un programme de cinq ans qui ne s’est pas déroulé particulièrement bien, pour le dire en des termes polis et diplomatiques. […] Nous sommes allés vers nos partenaires européens et les institutions avec une idée très simple : la Grèce reconnaît que le gouvernement est tenu par un programme existant, même s’il a été non respecté, s’il n’a pas pu être conclu dans les temps. […] Le nouveau gouvernement est tenu par la signature du gouvernement précédent. […] Mais il y a aussi une autre réalité : il y a eu une élection, et nous avons été élus, sur la base de notre critique de la philosophie et de la logique macroéconomique du programme existant. Que font les démocraties lorsqu’il y a deux principes contradictoires en jeu ? Elles trouvent un moyen d’arriver à un compromis entre eux. […] Nous sommes donc allés voir nos partenaires et leur avons dit : ‘Peut-on trouver un terrain d’entente ? Laissons-nous une période d’un mois, ou jusqu’à la fin juin, ou une durée sur laquelle nous pouvons être d’accord, durant laquelle nous pouvons nous donner l’opportunité non pas bien sûr d’imposer notre mandat ni d’imposer le mandat des dix-huit Etats de la zone euro, mais pour simplement s’assoir autour de la table et réfléchir à ce qui doit être fait pour stabiliser l’économie grecque et produire un programme pour son développement, afin de s’assurer que la Grèce ne fasse plus les gros titres de la presse.’ […] Premièrement, l’économie grecque a besoin d’être restructurée très, très profondément. Elle doit être réformée. Le fait que, après cinq ans de consolidation fiscale brutale, nos exportations stagnent devrait montrer à tout le monde, indépendamment des opinions politiques, qu’il y eu quelque chose qui n’a pas marché dans le programme qui a été mis en place. Il y a donc clairement un besoin de réformes. Le problème avec les réformes est que ‘réforme’ est un mot qui résonne en Grèce comme le mot ‘démocratie’ en Irak. […] Le programme que nous avons suivi durant cinq années s’est attaqué aux problèmes les moins significatifs de l’économie grecque. […] Qu’entendent les Grecs lorsque l’on dit ‘réformes’ ? Ils se disent : ‘Oh mon Dieu, ils vont baisser ma pension de retraite.’ […] Nous avons besoin de faire du mot ‘réforme’ un mot positif à nouveau. Pour faire cela nous devons nous attaquer aux grands intérêts qui furent épargnés par les gouvernements précédents. Nous devons attaquer en priorité les pires cas de rentes abusives, les pires cas de corruption, les pires cas d’évasion fiscale, etc. La Grèce doit redevenir une société réformable. »

Les négociations avec l’UE, la BCE, le FMI

« Nous voulons nous assoir à la table des discussions avec nos partenaires et définir la priorité des réformes. […] Nous voulons pouvoir définir ce que nous voulons faire pour les deux, trois ans à venir, pas uniquement pour demain, afin de réformer la société. Dans le même temps, nous avons besoin d’avoir un plan fiscal qui fasse sens. Aujourd’hui, la Grèce est engagée à faire 4,5% de surplus budgétaire primaire [il s’agit de la différence entre recettes et dépenses publiques sans prise en compte du remboursement de la dette publique] dans un futur proche, alors que le pays n’a pas de circuit de crédit sérieux opérationnel et que nous sommes dans une grande dépression. 4,5% de surplus budgétaire primaire, cela veut dire, dans l’esprit des investisseurs, des entrepreneurs, des retraités, la continuation de l’austérité qui se met elle-même en échec puisque la dette augmente comme résultat de l’effondrement du PIB. »

« Nous avons besoin de nous assoir avec nos partenaires, avec la liste des réformes, et nous devons discuter trois importantes variables. L’une d’elles est un surplus budgétaire primaire approprié aux circonstances. Nous avons besoin d’un programme d’investissement. […] Il y a en Grèce des entreprises qui font des profits, qui sont tournées vers l’exportation, avec un carnet de commandes plein, qui n’ont pas accès au crédit, et qui donc ne peuvent satisfaire la demande pour leurs produits. Nous avons besoin d’un objectif de surplus primaire réaliste, d’un programme d’investissement et d’une discussion sérieuse sur notre dette publique et sa structure. »

« Nous n’allons pas signer un texte qui nous garantit simplement le prochain versement [des prêts accordés par l’UE, la BCE, le FMI]. Nous ne sommes pas intéressés par simplement le prochain versement. Les cinq dernières années ont été caractérisées par des gouvernements grecs promettant n’importe quoi simplement pour obtenir le prochain versement. Des gens m’ont demandé : ‘Qu’avez-vous gagné en-dehors de l’extension de l’accord sur le versement de l’aide ?’ Ce que nous avons gagné, c’est un peu de temps durant lequel nous allons avoir une sérieuse discussion que nous n’avons pas eue, en tant qu’Etat, au cours des cinq dernières années. »

« A ce jour, la zone euro n’a pas, publiquement, officiellement, accepté la proposition que son agencement n’avait pas permis d’absorber le choc produit par l’effondrement du système financier en 2008. »

« Je suis impressionné par la nature de la discussion en Europe au cours des deux ou trois dernières années, dans le sens où la crise me paraît avoir pris un tel tournant que la distinction standard entre droite et gauche est devenue floue. […] Nous avons, d’un côté, à droite comme à gauche, ceux qui veulent porter un regard neuf et raisonné sur le problème, et puis il y a une inertie institutionnelle qui s’autonourrit et qui refuse de voir la réalité. Vous avez peut-être entendu que certains d’entre nous, de notre gouvernement, avons été accusés de parler de macroéconomie lors des réunions de l’Eurogroupe. Je crois que cela en dit long. »

« Ce gouvernement est déterminé à ne pas revenir à une situation de déficit primaire. […] Mais dire que nous voulons un surplus budgétaire primaire est une chose, dire que nous voulons 4,5% de surplus budgétaire primaire est une autre chose. Cela détruirait le secteur privé. »

Quelles réformes ?

Exemples de réformes : « beaucoup de choses ont été dites à propos de notre refus de libéraliser encore plus le marché du travail. Le FMI et d’autres institutions internationales ont une certaine idée de comment le marché du travail doit être structuré. Nous ne sommes pas d’accord avec eux, mais au-delà de ce désaccord ce que nous essayons de faire valoir auprès de nos partenaires et des institutions est que le marché du travail grec, c’est le rêve humide du Tea Party [mouvement politique américain prônant la libéralisation totale de l’économie et le désengagement de l’Etat]. Imaginez qu’aux Etats-Unis [comme c’est le cas en Grèce] seulement 9% des chômeurs reçoivent une prestation chômage, et cela seulement pour quelques mois. […] Laissez-moi vous donner un autre exemple : 30% du travail rémunéré en Grèce n’est pas déclaré. C’est du travail au noir, comme on dit. Cela interdit que les fonds de retraite aient une chance d’être correctement restructurés. […] Nous avons un problème avec le travail des migrants, qui sont traités comme des déchets par les employeurs, qui usent et abusent d’eux. […] Ce dont nous avons vraiment besoin en Grèce, c’est de plus de régulation du marché du travail, pour le rendre plus efficace. […] La négociation collective, si elle est faite intelligemment, est une bonne manière de créer plus d’efficacité. […] Voilà pourquoi nous demandons un programme de réforme du marché du travail qui tienne compte de la réalité du marché du travail grec, qui a été complètement détruit au cours des cinq dernières années. »

Le gouvernement grec souhaite obtenir l’aide de l’OIT pour les réformes du marché du travail, de l’OCDE pour les réformes économiques.

Privatisations : « nous reconnaissons que certains biens ne peuvent pas rester la propriété de l’Etat, nous voulons des partenariats public-privé […], mais nous voulons trois choses : premièrement, nous voulons nous assurer qu’il y aura un engagement sur un minimum d’investissements à moyen et long terme ; deuxièmement, nous voulons conserver une part dans le capital pour l’Etat grec afin de s’assurer des revenus qui financeront les fonds de retraite ; troisièmement, nous voulons des conditions de travail décentes pour les employés. […] Nous redémarrons le programme de privatisation pour qu’il soit un programme de privatisation qui soit utilisé rationnellement et qu’il permette le développement des biens publics. »

Ci-dessous, la conférence dans son intégralité :

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L’eau saumâtre

Bien le bonjour.

Je me permets ce court billet en terrain miné, espérant que la confidentialité de mon blog m’épargne un shitstorm.

Le 11 janvier, en début d’après-midi, je me rendais au lieu de rassemblement de la manifestation charliesque dans la bonne ville de Grenoble. J’étais plein de doutes et pas certain de marcher avec la foule. J’étais parti observer ce qu’il en était, disons. Depuis plusieurs jours, nous avions beaucoup discuté du sujet avec ma chère et tendre. Nos discussions étaient confuses, embrumées ; une gamme assez large d’émotions polluait la réflexion. Je goûtais peu le caractère presque obligatoire de manifester. Manifester pour quoi d’ailleurs ? Contre le terrorisme ? Pourquoi pas. Pour la liberté d’expression ? Sans doute. Mais alors manifester en désignant les responsables, manifester contre ceux qui arment les terroristes, et, dans le cas de la liberté d’expression, contre les quelques grandes fortunes qui contrôlent une large part des entreprises médiatiques françaises. Hélas.

Mais il y a autre chose. A vrai dire, je crois que les justifications que j’avance plus haut, je les ai largement construites a posteriori. Ce n’était pas vraiment cela qui m’a empêché de me joindre finalement au cortège. (Car oui, après presque une heure d’observation de la foule rassemblée, je suis rentré chez moi.) Il y avait autre chose, quelque chose de plus viscéral, un sentiment sur lequel aujourd’hui encore j’ai du mal à mettre des mots. L’impression de ne pas en être. C’est une impression, ce n’est que mon impression. Je n’ai aucune démonstration sociologique à fournir sur ce point, mais j’ai eu, en quelque sorte, le sentiment que cette foule bourgeoise ne m’avait pas invité.

Je ne remets nullement en question la sincérité des manifestants. Je pense que tous ou presque ont été profondément ébranlés par les épouvantables événements de janvier. Je pense qu’ils avaient besoin de faire corps, de se réchauffer le cœur et l’âme, ensemble, et c’est éminemment respectable. Ce besoin, je l’ai également ressenti, très fortement. Alors pourquoi n’arrivais-je pas à en être ? Les réponses sont sans doute à chercher dans mon histoire personnelle. En y repensant, je me dis que je ne pouvais pas en être pour la simple et bonne raison que je n’en suis pas. Et cela depuis longtemps. Cette partie de la population qui cumule, à des degrés divers, capital économique et capital culturel, je ne suis pas sûr d’en avoir un jour fait partie.

Depuis ce 11 janvier, de l’eau saumâtre a coulé sous les ponts.

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A propos du #leadersdebate

Il y a quelques jours, en vue des éléctions générales du 7 mai 2015, les téléspectateurs britanniques eurent droit à un grand débat opposant quelques importantes figures politiques locales. Il s’agit de désigner le successeur de David Cameron (lui-même ?) au poste de Premier ministre, et ce n’est somme toute pas une mince affaire.

Photo : DR

Sur la photo (DR) ci-dessus, on aperçoit les sept participants au débat, dans une bien belle mise en scène digne du Maillon faible. De gauche à droite, nous avons : Natalie Bennett (Green Party), Nick Clegg (Liberal Democrats, membre de la coalition au pouvoir), Nigel Farage (UKIP), Ed Miliband (Labour), Leanne Wood (Plaid Cymru), Nicola Sturgeon (SNP), et enfin l’actuel Premier ministre, David Cameron (Conservative).

Ce qui m’a frappé dans ces deux heures de show télé, où chaque candidat semble faire l’amour à la caméra à chacune de ses interventions, c’est finalement la profondeur du débat auquel nous avons pu assister.

Je signale au passage l’incroyable machisme balourd des quatre hommes présents sur le plateau (à l’exception de Nick Clegg, dois-je dire), qu’on ne retrouve plus guère en France qu’en fin de séance parlementaire après un passage arrosé à la buvette de l’Assemblée, et qui a consisté à mobiliser la parole en faisant comme si les dames présentes l’étaient au titre d’élément de décoration.

Le plus important, me semble-t-il, est l’opposition majeure que l’on a vu se dessiner au fil du débat. D’un côté, trois femmes profondément progressistes et, d’un autre côté, quatre hommes tout aussi profondément conservateurs.

Pour chaque sujet abordé, immigration, Europe, accès à l’éducation, économie, la ligne de front était claire. On a pu constater que d’Ed Miliband à Nigel Farage, en passant par Nick Clegg et David Cameron, la différence était de degrés bien plus que de nature. Si Nigel Farage est extrêmement néo-libéral, Nick Clegg et David Cameron sont très néo-libéraux, et Ed Miliband néo-libéral, tout simplement. Si Farage est en faveur de mesures très dures contre les immigrés, Clegg, Cameron et Miliband sont en faveur de mesures dures envers les immigrés. Si Farage et Cameron ne voient rien à redire à ce que l’éducation soit réservée aux riches, Clegg et Miliband jugent qu’ils serait bon que les moins riches d’entre les riches puissent y avoir également accès.

En face, mesdames Bennett, Wood et Sturgeon n’auront eu de cesse de fustiger les politiques austéritaires néo-libérales portées par nos quatre larrons, mettant en avant l’importance des défis écologiques, la nécessité de retrouver un impôt progressif permettant de financer un système d’éducation dans lequel la gratuité devrait être le principe de base, vantant la place occupée par les immigrés dans l’économie britannique.

Et, si l’on en croit un article du Guardian regroupant divers sondages et données d’après débat, Nicola Sturgeon fit forte impression sur les téléspectateurs.

Hélas, nos trois débatteuses anti-austérité devront se rallier à Miliband au final si elles veulent exister nationalement. Nicola Sturgeon dirige un parti, le SNP, qui ne présente de candidats qu’en Ecosse, le parti de Leanne Wood n’est présent qu’au Pays de Galles et Natalie Bennett et son petit Green Party aura bien du mal à obtenir des élus à Westminster.

Pauvres Britanniques contraints de choisir entre l’extrême-droite de Farage, la droite dure de Cameron et la droite dure modérée de Miliband.

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Le pied

Tout a commencé au début de l’été 2008.

A l’époque, je bossais en contrat d’avenir dans une école maternelle. J’aimais bien ce boulot, faire le con avec les mômes, apprendre à untel à lacer ses lacets, à machine qu’après quatre il n’y a pas six, mais bien cinq.

Et puis le soir, j’allais boire des coups avec les copains ; et puis je lisais les journaux ; et puis je suis tombé sur cette histoire de subprime. Et j’ai rapidement compris que ça allait être une boucherie. Oh, fallait pas être bien futé pour comprendre que le chateau de cartes allait s’effondrer sur nos tronches, les journalistes français qui couvraient l’affaire le disaient à demi-mot.

Je racontais tout ça aux copains du bistrot, même qu’ils me prenaient au sérieux, Picon-bière ou pas.

Et puis tout s’est effectivement cassé la gueule sur nos tronches. Enfin sur la tronche des Ricains d’abord, des Ricains pauvres, à qui on avait prêté du pognon, pour acheter une maison, une belle maison avec une pelouse comme dans les séries télé. J’espère qu’ils ont eu le temps d’en profiter un peu, avant que la banque vienne la saisir.

Et puis, après, le merdier en Europe est arrivé. J’ai jamais bien compris l’enchaînement logique. (Je ne suis pas sûr qu’il y ait un enchaînement logique.) Toujours est-il que ça a commencé à chauffer pour les Grecs, les Irlandais, les Portugais, les Espagnols. Je te refais pas la totale, j’en aurais pour la nuit.

Des peuples plongés du jour au lendemain dans une horreur économique à laquelle ils ne pouvaient pas grand-chose. Des Espagnols virés de chez eux. Je me souviens de photos de vieilles dames espagnoles foutues à la rue. Aujourd’hui encore, j’ai les larmes et la gerbe qui montent rien que d’y penser. Bon, j’arrête la lacrymo.

Pendant toutes ces années (putain, ça dure depuis six ans et demi), j’ai toujours été pessimiste. Je voyais la montée d’Aube dorée (les nazis grecs). Et je me disais que ça allait forcément finir comme ça, dans la gerbe, le dégoût, le nazisme.

Et puis, là, Syriza gagne les élections en Grèce. J’aurais jamais misé un €, même dévalué, il y a deux ou trois ans. Et puis, Podemos envoie une manif de malade à Madrid quelques jours plus tard.

Alors, permettez-moi de prendre mon pied, de lui faire l’amour, deux fois, dix fois, et de kiffer comme un maboul.

Tout est mal qui finit (on verra) bien (on verra).

La bise.

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Anecdote sondagière

Début décembre, j’ai répondu par Internet à un sondage de l’institut Odoxa, dont le président est Gaël Sliman. Parmi les questions posées, il en est une qui a donné lieu à bien des commentaires. L’institut me demandait si je considérais que la portée de la loi Macron sur l’économie française était : très importante, importante, peu importante, pas du tout importante (je cite de mémoire, mais c’était à peu près ça).

Je répondais que cette loi me paraissait de portée importante pour l’économie française.

Sur le moment, j’étais intrigué par le côté tordu de la question. Mais enfin, Gaël Sliman étant, comme moi (eh oui), un ancien étudiant de l’Institut d’études politiques de Grenoble, dont les cours de Méthodes des sciences sociales, remarquables, permettent de prendre la mesure des biais multiples induits par les formulations de questions dans les sondages, je supputais que la question précédemment évoquée serait traitée avec rigueur et ne permettrait aucune extrapolation désinvolte.

Et puis :

Capture d'écran du compte Twitter de Gaël Sliman, président d'Odoxa

Capture d’écran du compte Twitter de Gaël Sliman, président d’Odoxa

A ma grande surprise, je me retrouvais donc favorable à la loi Macron. Encore merci à Odoxa, Gaël Sliman et Renaud Pila, sans qui je ne me serais jamais douté de mon soutien à cette loi.

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